Avec sa série Anneaux, Stéphanie Malossane conjugue plusieurs approches du temps. Nous retrouvons son aspect perpétuel avec la manifestation du recommencement. À ce titre, les rondis de bois qui servent parfois de supports aux cyanotypes de Malossane sont édifiants. Leurs cernes se répètent en anneaux, témoins des saisons, marqueurs du climat symbolisant les années. Chaque année est singulière, avec ses particularités, mais obéit à un cycle identique.
Parmi ces cycles qui rythment notre existence nous trouvons l’alternance jour-nuit. Cependant, l’artiste vient ici la brouiller pour faire apparaître d’autres conceptions temporelles. L’usage du cyanotype, une technique photographique qui donne une teinte bleuté – bleu de Prusse – aux images, transfigure les sujets. Ce traitement rend les représentations plus oniriques et nous empêche de déterminer si les scènes sont diurnes ou nocturnes. Le spectateur plonge dans une temporalité aux contours flous, propre au rêve, zone où l’esprit navigue sans ancre et où il peut aisément aller et venir, voire tourner en boucle sur un événement donné.
Lorsque l’artiste, par la photographie, donne à voir un événement passé, elle ouvre le présent aux souvenirs et fait émerger le sentiment de réminiscence. L’action ne saurait dès lors se situer dans un passé arrêté et précisément organisé, puisqu’en nous la remémorant nous la laissons prendre place dans notre présent. Dans la série Anneaux, il fallait montrer comment la mémoire travaille notre représentation du temps. L’arbre est tout à la fois l’endroit où l’oiseau se niche, prend son envol et se pose, il agrège en lui plusieurs souvenirs. Néanmoins nous le voyons déjà scié, exhibant ses cernes, qui, elles, évoquent l’idée de cycle. Ainsi, dans une certaine mesure, le passé, le présent et le futur s’enchevêtrent. Une même œuvre superpose des événements distincts.
Stéphanie Malossane évoque la superposition par l’usage de voilages et de surimpressions. Les réalisations de l’artiste s’inscrivent en cela dans une approche aoriste du temps. L’action représentée est accomplie mais on ne saurait dire quand, seul le geste importe. L’oiseau peut « se poser, voler, atterrir » sur l’arbre, sans qu’il n’y ait d’ordre à restituer. Seule compte l’action. Les choses ont lieu et s’engendrent les-unes les-autres dans des associations libres. En procédant ainsi, l’artiste envisage le temps dans ce qu’il a de fortuit. L’oiseau en bout de vol se pose, retourne-t-il sur l’arbre qui l’a vu naître ? À moins que ce soit la branche où il nichera demain… des coïncidences et synchronicités qui dénotent d’un rapport au temps encore une fois renouvelé, s’articulant autour de la rencontre.